Critique : Final Fantasy XIII-2 Original Soundtrack

Etre en charge des musiques d’un Final Fantasy n’est jamais chose aisée. Une contradiction oppose en effet la volonté d’évolution constante de la série et les attentes (trop ?) élevées des fans, qui ont pour le coup un peu vite estampillé la BO « J-Pop » – à tort.

De par son statut particulier, XIII-2 jouait déjà sur un terrain miné avant même que le(s) compositeur(s) ne soi(en)t annoncé(s). Sur le papier, marier les styles de Hamauzu, Suzuki et Mizuta semblait improbable ; dans les faits, le résultat force le respect. Il y a tout d’abord Hamauzu, dont les quelques compositions font, sans surprise, écho à l’excellence électro-acoustique des meilleurs moments de XIII ; « Eternal Fight », avec sa construction progressive et ses nappes de cordes, est un bel exemple. Mais c’est vers les deux autres qu’il faut aller chercher la réelle nouveauté, et on peut se demander s’ils se sont fixé une limite. Il est probable que non. De Final Fantasy, on ne retrouve que le thème des Chocobos. Le reste est un concentré d’audace sans compromis pour les fans, sans frontières musicales, à tel point que tous les genres y passent. Pêle-mêle : l’électro brut, le heavy metal, le jazz, le rap. Du jamais-entendu dans un FF, dites-vous ? Bah, peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Mais ce n’est pas tout.

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Critique : Castlevania Symphony of the Night

Critique de Clément

Fiche de l’album

Pistes coup de cœur :
Wandering Ghosts – The Tragic Prince – Finale Toccata

Paru en 1997 sur PlayStation, Symphony of the Night marque un tournant dans la série Castlevania. Outre l’ajout d’éléments issus du RPG (équipements, montée en niveau, etc) dans un gameplay jusque-là inébranlable, les joueurs ont pu découvrir le talent d’Ayami Kojima, en charge du design des personnages. Ses illustrations, empruntes d’un style gothique inquiétant mais néanmoins raffiné, démarquent vraiment SOTN de ses prédécesseurs sur le plan visuel. Mais l’identité artistique se crée également sur la partie sonore, alors pour habiller d’avantage un jeu aux graphismes et animations déjà très léchés, Michiru Yamane a déployé tous ses talents de compositrice. Si nous la connaissons aujourd’hui pour ses nombreux travaux sur la série, il faut bien comprendre qu’à l’époque elle était plutôt méconnue, son seul travail un tant soit peu distingué étant Castlevania Bloodlines… trois ans auparavant sur Megadrive. Bien qu’étant déjà familière avec la série, elle a donc dû s’adapter aux difficultés techniques qu’implique un changement de console.

Les Castlevania étant des jeux d’action dans lesquels il faut constamment se débarrasser d’ennemis toujours plus forts et nombreux, les musiques de la série ont toujours été très rythmées. Bien qu’il ne déroge pas à la règle, SOTN a été approché différemment par Yamane. Oh, bien sûr, on trouve des thèmes rock faisant écho au passé de la série, comme « Prologue » joué par une guitare électrique héroïque et inarrêtable, ou « Festival of Servants » porté par une batterie sauvage, et même une reprise du mythique « Vampire Killer ». Mais la majorité des morceaux est plutôt calme, comme pour mieux accompagner le joueur dans ses visites nocturnes d’un immense château, aussi noble et majestueux qu’effrayant et labyrinthique. La découverte d’une nouvelle zone s’apparente ainsi à un nouveau dépaysement audiovisuel, rendant l’exploration extrêmement captivante.

La bande son, éclectique à souhait, propose plusieurs facettes. L’une d’elles est grandiloquente, faisant référence à la majesté du Comte Dracula et, Yamane l’avoue elle-même, à l’impression dramatique émanant des illustrations de Kojima. « Wood Carving Partita », le thème de l’auguste bibliothèque dorée du château, nous plonge ainsi directement au XVIème siècle grâce à l’utilisation judicieuse du clavecin, tandis que l’orgue et les chœurs féminins de « Requiem for the Gods » nous octroient un repos salvateur dans la chapelle royale. Au détour d’endroits plus en retrait, le ton des musiques devient néanmoins plus inquiétant. Dans « Rainbow Cemetery » jouée lors de la visite des catacombes, le synthé nous entraîne dans une chute sans fin, avec pour seule pause le martèlement des notes graves du piano semblant résonner contre les murs étroits, reflet anxiogène de l’exiguïté de l’endroit. Et que dire de la cave ? La noirceur d’« Abandoned Pit » nous enveloppe froidement au rythme d’un piano glaçant dont les seuls métronomes sont des bruits lugubres et malveillants. Enfin, certains morceaux proposent une ambiance plus discrète, mais jamais ennuyeuse, comme par exemple « Crystal Teardrop » et ses percussions feutrées. Éclectique, oui, mais SOTN est surtout, contrairement à ces prédécesseurs, une bande son d’ambiance.

Mais au-delà du reste, une poignée de morceaux est magistrale et permet à la bande son de basculer dans l’excellence. Chacun verra midi à sa porte, mais j’ai un penchant particulier pour la « Finale Toccata » accompagnant le château inversé. Tout en retenue, l’orgue joue une toccata (!) inquiétante, dans un ton baroque presque religieux accentué par les incursions régulières de voix aiguës. Puis, quand vient le climax orchestral dramatique, on se dit que le morceau est très bien comme ça et que la boucle est finie, mais… c’était sans compter sur la deuxième partie et un ajout majeur : la batterie. De son rythme saccadé, enlevé, mais toujours très sec, elle amplifie l’orgue pour donner au morceau une teneur épique exceptionnelle, comme si chacun de ses coups nous insufflait une âme de plus en plus guerrière.

Illustration de Ayami Kojima

Les coups d’éclats de cette trempe ne sont certes pas nécessaires pour que SOTN soit excellent, mais ils contribuent à le rendre mémorable. Le gameplay du jeu, son level design et ses graphismes sont déjà de haute volée ; sa direction artistique l’élève au rang de jeu culte. A une époque où la technique ne permettait pas une immersion aussi poussée que les jeux d’aujourd’hui, le duo Kojima-Yamane s’est transcendé pour nous offrir une pépite d’ambiance intemporelle. S’il a par la suite été reconduit, jamais il n’a pu surpasser la magnificence originelle de ce Symphony of the Night.

Avis : Excellent

Critique : Chrono Cross Original Soundtrack

« La mer / Qu’on voit danser le long des golfes clairs / A des reflets d’argent »Charles Trenet

Àla manière de Charles Trenet et de sa chanson « La Mer », c’est bien à l’azur infini que Yasunori Mitsuda a voulu rendre hommage avec Chrono Cross. Indissociable des paysages maritimes, la notion de voyage est également au cœur de cette bande originale, dont la tourbillonnante « Scars Left By Time » résonne comme une véritable invitation à l’odyssée musicale.

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Critique : Assassin’s Creed II

Critique de Clément

Fiche de l’album

Pistes coup de cœur :
Ezio’s Family – Flight Over Venice 1 – Approaching Target 3

Le premier voyage d’Assassin’s Creed nous emmenait dans la poussière d’un Moyen-Orient médiéval aux côtés du ténébreux Altaïr, pour un résultat musical plutôt mitigé. Le second opus propose une intrigue moins sombre et un héros plus jeune, Ezio, autorisant un enrobage sonore déjà plus agréable ; la noblesse italienne du XVème siècle, c’est quand même autre chose que les bas-fonds de Jérusalem. Malgré tout, Jesper Kyd est resté fidèle au style employé dans le premier épisode, à savoir des mélodies souvent planantes, toujours voilées. Normal, étant donné que le joueur dirige un assassin aux activités auréolées de secret. Mais les instruments se sont adaptés : violons et violoncelles remplacent mizmar et mijwiz ; le piano résonne d’échos glacés ; les chœurs murmurent tandis que la soprano nous guide de sa voix suave. Goûter aux saveurs ésotériques de « Darkness Falls In Florence » tout en escaladant discrètement des toits sur fond de pleine lune est un des plaisirs particulièrement appréciables que procure le jeu. Les enfants, n’essayez pas de reproduire ça à la maison. Les autres non plus d’ailleurs*.

Ce qu’il manquait au premier AC, c’était un thème principal, un porte-drapeau. AC II corrige le tir de manière magistrale, en proposant plusieurs variations d’un thème repris dans de nombreuses pistes. Que Jesper Kyd soit béni : l’OST regorge de ces mélodies fluides et légères, ballades nocturnes furtives à la fois mélancoliques et mystérieuses. À ce titre, « Ezio’s Family », petit bijou acoustique, fait figure de tête d’affiche. Certains morceaux tendus, notamment les différents « Approaching Target », permettent, eux, d’alterner avec des passages plus sérieux entre deux envolées lyriques. Longue de trente trois pistes (trois fois plus qu’AC !), la bande son est très homogène, tout à fait méditative, extrêmement plaisante. Même si, parfois, des pistes musclées viennent interrompre le rêve éveillé de manière un peu pénible. Ce sont celles illustrant les phases de combats (« *** Combat ») et de poursuite (« *** Escape »), assez banales malgré l’utilisation judicieuse de guitare électrique et de percussions pour donner un effet plus sauvage. Oui, Ezio sait se battre, mais c’est avant tout un poète. Un rêveur.

Excellent

* N’essayez pas non plus de vous déplacer dans le métro en poussant les gens d’un revers de main.