Jeu culte de la Super Nintendo et œuvre majeure du jeu de rôle japonais, Final Fantasy VI fit basculer la série de Square dans une dimension narrative plus riche et plus profonde que ses aînés. À l’image de son introduction présentée sous forme de générique, ce volet amorça une tendance cinématographique que les épisodes suivants approfondirent à leur tour de manière encore plus spectaculaire, les avancées technologiques aidant. Ce changement de taille n’est d’ailleurs pas le seul qu’a apporté cet épisode puisque pour la première fois, un Final Fantasy s’émancipait des univers médiévaux de ses débuts pour puiser son inspiration dans l’époque victorienne.
Un tel renouveau passa par une gestation plus longue que d’habitude puisque FFVI fut conçu en deux ans, un record pour la série à l’époque. Ce sont toutes ces conditions qui ont permis à Nobuo Uematsu d’accoucher de cette pièce maîtresse de sa discographie qui, malgré son âge et ses limitations techniques, traverse brillamment les années grâce à ses mélodies fortes et indémodables.
Cher à la série, le sentiment de dépaysement est bel et bien au cœur de cet épisode. L’originalité des lieux stimula grandement l’inventivité du compositeur, au point d’intégrer certains bruitages dans ses musiques pour renforcer l’immersion. En errant dans la ville enneigée de Narshe, vous pourrez entendre un soupir émerger de sa mélodie désolée. Plus loin, les voix mystérieuses de « The Mystic Forest » vous hanteront jusqu’au son du cliquetis des rails de « Mystery Train ». Les exemples de ce type ne manquent pas, preuve en est avec l’air malsain et déjanté de « Slam Shuffle » qui se mêle tout naturellement au son de la pluie de la dangereuse ville de Zozo, ou encore « Devil’s Lab » et sa rythmique métallique, qui se feront entendre dans la sinistre usine Magitek. En puisant ainsi dans les effets sonores (créés par un certain Yoshitaka Hirota), le travail de Uematsu se fond à merveille avec les nombreux décors, donnant une impression d’unité parfaite entre image et son, ce qui offre une très forte identité au jeu.
Final Fantasy VI n’a pas de héros à proprement parler (à part peut-être Tina), puisque chaque personnage est mis sur un même pied d’égalité tout au long de l’aventure. Profitant tous d’une histoire travaillée, chacun des protagonistes a ainsi droit à son propre thème, une grande première dans la série. Uematsu a d’ailleurs choisi de souligner un aspect bien particulier des différents intervenants du jeu : le courage pour Lock, la détermination pour Tina, la liberté pour Shadow, la mélancolie pour Celes, la démence pour Kefka… Chacune des mélodies qui les caractérise permet de déceler leur personnalité ou ce à quoi il aspire. Et c’est bien lorsqu’il s’agit de mettre en musique les sentiments humains que Uematsu rayonne. La simplicité de ses compositions permet de savourer toute la beauté et l’émotion qu’il arrive à insuffler à ses mélodies, pleines d’humanité. Le talent de Uematsu a donc largement participé à l’attachement que pouvaient ressentir les joueurs pour cette galerie de personnages. Quant aux « simples » auditeurs, il sera très facile pour eux de s’imaginer leurs personnalités en fonction de leurs thèmes respectifs, et de sentir toute l’empathie que Uematsu avait pour eux. La piste « Ending Theme » compile d’ailleurs l’intégralité de ces thèmes à travers 21 minutes de pur bonheur.
L’originalité des situations que propose Final Fantasy VI permit à Uematsu de composer des musiques jusque là inédites dans sa carrière. Le fameux opéra, reprise du thème de Celes, en fait bien sûr partie ! Lorsqu’il a été demandé à Uematsu de composer une telle pièce, il répondit tout naturellement « Voilà qui sera amusant à faire ! », lui qui n’avait alors jamais vraiment écouté d’opéra ! Résultat, pas moins de 4 pistes composent l’intégralité de cette œuvre (de « Overture » à « Grand Finale? »). Dans une ambiance nettement moins grandiloquente, la sombre et pesante « Dark World » accompagne le monde des ruines. Car oui, autre originalité de cet épisode, le grand méchant est cette fois parvenu à ses fins et a fait s’abattre l’apocalypse sur le monde, dispersant par la même occasion tous les personnages aux quatre coins de cette terre dévastée. Retrouver ses camarades deviendra alors l’un des objectifs primordiaux du jeu, ce qui inspira à Uematsu l’incroyable « Searching Friends », qui se fera entendre lorsque le joueur prendra possession de l’airship, profitant du fameux mode 7 de la Super Nintendo (une sorte d’effet 3D saisissant pour l’époque).
Une fois réunis, tous ces héros peuvent enfin aller régler leurs comptes avec Kefka, le grand ennemi du jeu et l’un des méchants les plus cruels et aliénés de toute la série. À l’occasion de cette ultime bataille, Uematsu a composé une véritable ode à la folie de Kefka : « Dancing Mad ». Successivement puissant, entraînant, burlesque et déchirant, ce thème de combat final reste à ce jour le plus ambitieux du moustachu, tant dans sa structure que sa composition et sa durée (17 minutes !). Mais bien avant de pouvoir faire face à cet adversaire de taille, le joueur aura l’occasion d’entendre un Nobuo Uematsu très inspiré au niveau des musiques de combat. Que cela soit l’enthousiasme de « Battle Theme », le caractère épique de « The Decisive Battle » ou l’écrasant sentiment de danger de « The Fierce Battle », les affrontements sont frappés du talent de mélodiste de Uematsu, qui plonge le joueur dans des états d’esprits très différents en fonction des batailles.
Une fois le développement Final Fantasy VI terminé, Hironobu Sakaguchi réunit toute son équipe pour célébrer le lancement du jeu. Comblé de joie, voici les quelques mots qu’il prononça à l’attention de ses employés : « Merci à chacun d’entre vous. Nous avons créé le meilleur jeu du monde ! Non, de l’univers ! Merci à vous ! » En entendant ces mots, Nobuo Uematsu pleura à chaudes larmes, des larmes qui exprimaient combien il s’était impliqué dans ce long projet. Ce sentiment d’accomplissement failli le pousser à quitter Square jusqu’à ce qu’un certain projet du nom de Final Fantasy VII vienne l’en dissuader. Après tout, il aurait été bien triste de laisser une œuvre aussi poignante et mémorable sans successeur…
Julien
Avis : Excellent
Coups de cœur :
- Searching Friends
- Dancing Mad
- Ending Theme
Bande originale de Final Fantasy VI sur Super Nintendo.
Date de sortie : 1er octobre 2004 (réédition)
Prix : 3873 yens/28€
Référence : NTCP-5001~3 (publié par Square Enix)
Composition et arrangements : Nobuo Uematsu
Acheter sur la boutique Square Enix (édition remasterisée)